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Sophrologie et encéphalomyélite myalgique

photo by Anthony Tran - Unsplash.com

Le 12 mai a été déclarée la journée mondiale de l’encéphalomyélite myalgique, plus connue sous le nom de syndrome de fatigue chronique. Cette affection est une maladie neurologique, lourde, inexplicable en l’état actuel de la science et invisible pour l’entourage.

Il n’existe actuellement pas de traitement pour cette maladie, pourtant reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé. Si les causes sont inconnues, les symptômes, eux, sont réels et très handicapants : asthénie importante et invalidante, sommeil non-récupérateur, myalgies et faiblesses musculaires, troubles intestinaux, troubles de la concentration, troubles mnésiques, vertiges, pertes d’équilibre, nausées…

Jeanne Cunill, directrice de l’école de Sophrologie Caycédienne de Liège, a recueilli le témoignage de Sylvie Manenq, une jeune femme de 34 ans atteinte de l’encéphalomyélite myalgique (EM). Un témoignage qui donnera à d’autres l’espoir, le courage de ne pas baisser les bras et aussi des pistes pour apprendre à mieux vivre avec cette maladie, notamment avec la sophrologie. 

Sylvie est professeur des écoles en France. Elle en viendrait presqu’à dire : « j’étais… ». Sa vie professionnelle est ponctuée de phases de plus en plus régulières d’arrêts de travail liées à la maladie. Aujourd’hui Sylvie sait qu’elle ne pourra plus reprendre son métier. Elle n’est plus capable d’assurer un travail aussi prenant. L’EM provoque principalement une fatigue intense à durée variable, allant de quelques heures, à plusieurs jours, voire des semaines. S’ajoutent des douleurs de tous type, souvent généralisées et migrant d’un endroit à l’autre, d’un type à l’autre ainsi que des troubles du sommeil, des troubles moteurs et de la perception.

« Cette maladie arrive le plus souvent suite à une infection post virale. Ce n’est pas mon cas. Comment est-elle arrivée ? Je l’ignore totalement. On va trouver des familles où plusieurs personnes en souffrent. Serait-ce en partie génétique ? On ne le sait pas. Définir clairement le diagnostic n’est pas facile car il n’y a pas encore de marqueurs biologiques pour le définir. C’est vers 2017 que j’ai constaté réellement la maladie sans pour autant en connaître le nom. Elle était latente mais je l’ignorais jusqu’alors. Les symptômes récurrents que je supportais au prix de nombreux efforts – déjà adolescente je souffrais d’une fatigabilité anormale – étaient dû à l’EM et non pas au syndrome de fatigue chronique comme on aurait pu le croire. Cette année là j’ai vécu une aggravation de la fatigue, des malaises pots-efforts et la spondylarthrite s’est ajoutée. L’EM est peu connue et peu reconnue. En septembre 2020 j’ai été diagnostiquée et quelque part ce fut un soulagement car dès lors je savais pourquoi je souffrais, pourquoi je n’étais pas comme « tout le monde ». Mais il n’existe pas de traitement à l’heure actuelle et seuls quatre médecins pour toute la France s’occupent de cette maladie. Être diagnostiqué ne veut pas dire être accompagné ni être soigné. »

Si la vie professionnelle de Sylvie en a pris un coup, sa vie sociale n’est pas épargnée. Elle se réduit à un minimum d’activités. Tout représente un effort et une fois l’effort fourni, le couperet tombe : la fatigue physique et psychique la ramène à la réalité d’un épuisement inévitable. Ce qui semble anodin dans la vie d’une personne relève d’un effort continu pour elle. Existe-t-il des solutions pour pallier l’absence de traitement ?

« Après des essais en médecine allopathique, non concluants, j’ai essayé avec les médecines alternatives : homéopathie, naturopathie, phytothérapie, changement d’alimentation et même le reiki et le shiatsu. Hélas rien n’améliorait mon état. Seule la complémentation en acides aminés, spécialement la L-Carnitine apporte une aide mais elle reste limitée. En 2020, je me suis dirigée vers la sophrologie un peu par hasard. C’était la période du premier confinement et j’avais profondément besoin d’aide pour traverser cette période pleine d’incertitudes, d’enfermement et d’isolement. Je me suis alors inscrite à un programme en visioconférence : un atelier de sophrologie pour mieux vivre le stress du confinement. Cinq séances grâce auxquelles j’ai d’abord découvert que la sophrologie est bien plus que ce que j’imaginais avant de la pratiquer. Je pensais que c’était juste une méthode pour apprendre à mieux respirer pour gérer le stress. Les techniques comme la concentration sur l’objet neutre et les exercices de synchronisation avec tensions et relâchement m’ont apporté un début de bien-être. J’ai alors réalisé que la sophrologie pouvait être, enfin, l’aide dont j’avais tant besoin. J’ai continué en séance individuelle à partir de septembre 2020. La qualité relationnelle de la sophrologue, formée en Sophrologie Caycédienne, a également été un élément important. Je me sentais en confiance, comprise, écoutée, soutenue. Me sentant mieux, j’ai voulu reprendre mon travail à ce moment-là, mais le regard, l’incompréhension, la non-reconnaissance de mes collègues m’a fait souffrir énormément. J’étais considérée comme la « malade imaginaire ». En 2021 j’ai été reconnue en incapacité de travail supérieur à 80%. En un an la maladie avait encore évolué et venait pour moi le temps de l’acceptation. J’étais à mille lieues d’imaginer que ma vie allait prendre un nouveau virage ! »

Aider l’autre a toujours animé Sylvie. C’était ça sa motivation dans son métier d’enseignante, ça donnait du sens à ses journées. Après tant de rechutes, même avec l’acceptation, comment retrouver du sens à sa vie ? Le suivi sophrologique entrepris en alternance avec un suivi psychologique, tous deux menés par des personnes humanistes, pose les premiers pas d’un renouveau inattendu.

« L’aide je l’ai trouvée incontestablement dans la sophrologie. En plus du mieux- être qu’elle m’apporte aux niveaux physique, mental et émotionnel, elle m’aide pour le pacing1 , très important pour vivre chaque journée sans le « crash » des malaises post-efforts. L’idée de me former moi-même en sophrologie a commencé à s’installer en moi et cette idée devenait de plus en plus claire, comme si elle voulait prendre forme. J’en ai parlé à la sophrologue et au psychologue afin d’avoir leur avis. Avais-je les compétences ? Pourrais-je y arriver ? Serait-ce peut-être en plus d’un approfondissement au niveau personnel une possibilité envisageable d’une nouvelle profession ? Pouvoir un jour en faire ma nouvelle profession, c’était un projet clair, précis, un objectif qui m’a donné de l’espoir et a renforcé ma confiance en moi- même. Leurs encouragements à m’orienter vers cette voie m’a donné un nouvel élan et j’ai sauté le pas : je me suis inscrite à la formation au Cycle Fondamental. La formation a été salvatrice, elle m’a permis de garder la tête hors de l’eau. J’ai appris l’adaptabilité et tout en évoluant dans la formation, en apprenant les techniques j’ai appris à les adapter pour moi, selon mon état du jour, du moment. Le non-jugement, la non-interprétation et la mise à l’écart des aprioris, ces aspects importants en sophrologie, vécus par moi-même et entre les personnes dans le groupe en formation m’ont été d’une aide précieuse. L’encéphalomyélite myalgique altère la mémoire à court terme. La sophrologie m’a permis de renforcer ma mémoire kinesthésique. Ce corps qui décline devient paradoxalement le corps qui m’aide à vivre. La prise de conscience du schéma corporel me permet de vivre mon corps non plus comme un véhicule qu’on trimbale tous les jours : il est mon corps vivant et aidant. Elle m’aide aussi au niveau cognitif. Mes pensées sont plus claires, mieux structurées et positives. L’intégration des valeurs m’a donné plus encore que je ne le pensais : je suis maintenant en phase avec mes propres valeurs, mes valeurs profondes et j’ai découvert qui je suis !

J’achève la formation de ce premier cycle dans quelques jours et j’ai hâte de vivre la suite, de poursuivre l’approfondissement de cette nouvelle connaissance de moi-même et de ma conscience. Le projet qui me tient à cœur est d’aider prioritairement et bénévolement les personnes atteintes de l’EM. L’Association Millions Missing France travaille avec les autorités de la santé pour la connaissance et la reconnaissance de l’EM et aide les personnes souffrant de cette maladie. Après avoir apporté mon témoignage à cette association, la curiosité et l’envie de découvrir la Sophrologie Caycédienne étaient au rendez-vous. Et moi, j’étais prête à commencer avec un programme adapté. C’est une première étape à mon nouveau projet, mon projet de vie qui me rend heureuse. »

1 Le pacing est l’art d’équilibrer repos et activités. Il comporte des stratégies et des outils permettant à chaque malade de repérer ses limites d’énergie et d’adapter son niveau d’activités. Le terme activité inclut dans le pacing tous les actes de la vie quotidienne comme manger ou se laver.

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